Battues et meurtries par les retombées dévastatrices de la pandémie de coronavirus, plusieurs villes de France ont récemment décidé d’expérimenter le contrôle des loyers afin de mieux protéger les habitants et de rendre leur marché du logement plus durable. Découvrez en quoi consiste le dispositif.
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Pourquoi y a-t-il l’encadrement des loyers ?
Ce choix trouve ses racines dans la loi ELAN adoptée en 2018, qui impose une date butoir d’application au 23 novembre. L’objectif : répondre à la pression insoutenable du secteur locatif privé, à l’envolée du coût de la vie, et à la transformation accélérée des locations classiques en meublés touristiques. Après la tempête sanitaire, cette régulation s’affiche comme une tentative de ramener un peu d’équilibre sur le marché du logement.
Comment cela fonctionne-t-il ?
L’encadrement des loyers, ce n’est pas un plafond rigide, mais bien un ensemble de règles que tous les bailleurs doivent respecter.
À Paris et à Lille, les propriétaires se voient imposer un loyer maximum, déterminé en fonction d’un loyer de référence. Ce montant dépend de plusieurs critères : surface du bien, secteur géographique, date de construction. Une colocation de 40 m² à Belleville n’a donc pas le même loyer plafond qu’un studio haussmannien dans le 16e arrondissement.
Quiconque cherche à louer un bien dans ces villes doit s’aligner sur ces montants, même si la demande reste élevée et que la tentation de dépasser les seuils pourrait être forte.
Le texte prévoit aussi des protections pour l’occupant : un propriétaire ne peut augmenter le loyer à sa guise lors d’un renouvellement, et le locataire dispose de recours précis si la règle est bafouée.
Une marge de manœuvre existe néanmoins : un loyer supérieur peut être demandé si, et seulement si, le logement offre des caractéristiques hors norme par rapport au voisinage (terrasse exceptionnelle, vue rare, équipements d’exception).
Autre évolution majeure depuis janvier 2021 : dans 28 grandes agglomérations, impossible d’augmenter le loyer lors d’une relocation ou d’un renouvellement si le logement dépasse 331 kWh/m²/an (classes F ou G sur le diagnostic énergétique). La performance énergétique devient ainsi un nouveau verrou pour les loyers excessifs.
Quels logements sont concernés ?
Le dispositif cible principalement les premières mises en location ou les nouveaux baux. Le calcul du loyer s’effectue au mètre carré, en tenant compte de l’adresse, de l’ancienneté du bâtiment, et du type de location (meublée ou vide). Des équipements particuliers, comme un ascenseur ou une vue exceptionnelle, peuvent justifier un montant plus élevé, mais le bail doit préciser à la fois le loyer proposé par la mairie et le plafond légal. En cas de non-respect, la sanction s’annonce salée : jusqu’à 15 000 euros d’amende.
Quels logements ne sont pas concernés ?
Certains types de locations échappent à ce dispositif. Voici lesquels :
- Location à une personne morale (entreprise, ambassade, organisation internationale)
- Logement utilisé en tant que résidence secondaire ou logement de fonction
- Location saisonnière
- Location d’un local commercial
- Location d’un local à usage exclusivement professionnel
Quels sont les avantages et les inconvénients de l’encadrement des loyers ?
L’encadrement des loyers apporte des bénéfices, mais pas sans contreparties. D’un côté, il permet de limiter les excès de certains bailleurs qui profitaient jusque-là de l’absence de bornes pour faire flamber les loyers. Cela rassure les locataires, qui savent que leur budget ne sera pas laminé à chaque renouvellement de contrat.
Mais cette régulation entraîne aussi des revers. Face à la rentabilité réduite, certains propriétaires pourraient décider de retirer leur bien du marché, freiner les investissements ou repousser la rénovation. Dans une ville comme Paris, la crainte d’un parc locatif qui se rétracte n’est pas anecdotique : moins d’offres, plus de concurrence, et potentiellement, un frein à la construction neuve.
Autre effet possible : des économies réalisées sur l’entretien ou la modernisation des logements pour compenser la baisse des loyers autorisés. Résultat, la qualité globale du parc locatif pourrait s’en ressentir.
Pour autant, cette régulation facilite l’accès au logement pour les ménages modestes et la classe moyenne, qui peuvent espérer rester ou s’installer dans la capitale grâce à un plafond de loyer qui stoppe la surenchère.
La mesure, déjà testée à Berlin ou Amsterdam, fait débat. Certains y voient un levier pour fluidifier le marché et lutter contre la spéculation, d’autres redoutent qu’elle n’étouffe l’investissement privé et ne grève l’offre disponible.
Quelles sont les sanctions en cas de non-respect de l’encadrement des loyers ?
À Paris, l’encadrement des loyers s’accompagne d’un dispositif répressif pour empêcher les loyers abusifs. Les bailleurs ont l’obligation de respecter les plafonds définis par la réglementation, au risque de sanctions.
En cas d’écart, la première étape consiste souvent en une mise en demeure. Si le propriétaire ne rectifie pas la situation sous peu, il encourt une amende pouvant atteindre 5 000 euros.
Le refus de se conformer à la loi peut faire grimper la note : jusqu’à 15 000 euros d’amende pour une personne physique, et entre 15 000 et 50 000 euros pour une personne morale. Les cas les plus graves poussent la logique plus loin : depuis peu, deux scénarios sont possibles pour les récidivistes déterminés :
- Expropriation du bien si le propriétaire n’a pas régularisé la situation après deux ans
- Annulation pure et simple du bail si le dépassement des plafonds dure plus d’un an sans justification sérieuse
Certains spécialistes estiment que l’État devrait investir beaucoup plus dans le développement du logement social. Augmenter l’offre aurait pour effet de détendre la pression sur les loyers du marché privé, tout en limitant les conséquences d’une régulation stricte qui pourrait dissuader certains bailleurs.
Reste à savoir si l’encadrement des loyers parviendra à ramener durablement un peu d’air dans la capitale, ou si Paris devra chercher ailleurs la solution à sa crise du logement. La réponse s’écrira, bail après bail, dans la réalité des quartiers.


